Financement participatif de la campagne électorale : c’est possible ?
Ouverte plutôt récemment (en 2019, pour mise en œuvre à partir de 2021), cette possibilité reste encore trop méconnue des candidats et de leurs mandataires et vient d’être clarifiée par le juge administratif puis par un nouveau décret d’application. Faisons le point !
Financement participatif : quelles modalités ?
Grosso modo, depuis la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019, ou plus précisément depuis l’entrée en vigueur de son décret d’application en novembre 2020, les candidats et leurs mandataires ne sont plus obligés de récolter des dons directement sur le compte de campagne (espèces, chèques, virements bancaires).
Ils peuvent également recourir à des plateformes de paiement en ligne type PayPal, Stripe, Monetico, (pratique à ajouter à son site internet) sans avoir à passer par celle de leur banque ; mais aussi à des « cagnottes » de financement participatif (Leetchi, Le Pot Commun, HelloAsso, …).
A noter, suite à une décision du Conseil d’Etat, ce décret a été modifié en juillet 2023 pour faciliter le recours à cette possibilité.
Qu’en dit le Code électoral ?
Reportez vous à la plus récente version de l’article R. 39-1-1 qui dispose :
Lorsqu’il a recours, pour le recueil de fonds en ligne, à un prestataire de services de paiement, le mandataire s’assure :
1° Que la page internet de l’opération de financement comprend bien l’intégralité des mentions prévues par l’article L. 52-9 s’agissant des dons, et des mentions prévues par les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 52-7-1 s’agissant de prêts de personnes physiques ;
2° Que le prestataire met en place des procédures permettant d’assurer, pour la collecte de dons, le respect des dispositions prévues aux deux premiers alinéas de l’article L. 52-8 et, pour la réception de prêts de personnes physiques, le respect des dispositions des articles L. 52-7-1 et R. 39-2-1 ;
3° Que le prestataire lui fournit, pour chaque donateur, toutes les informations requises en application de l’article R. 39-1, concomitamment au versement des fonds sur le compte de dépôt ouvert par le mandataire, ainsi qu’une attestation sur l’origine des fonds et la qualité de personne physique du donateur ou prêteur ;
4° Que le montant des fonds perçus est versé sans délai sur le compte de dépôt qu’il a ouvert ;
5° Qu’aucun remboursement n’est effectué par le prestataire sans son autorisation ;
6° Que lorsqu’il a recours à ce prestataire dans le cadre d’une intermédiation en financement participatif, celui-ci, outre le respect des obligations prévues du 1° au 5°, remplit les conditions pour exercer en cette qualité conformément aux articles L. 548-1 et suivants du code monétaire et financier. Dans ce cadre, l’article D. 548-1 du code monétaire et financier n’est pas applicable.
Le contrat passé avec le prestataire de service doit figurer parmi les pièces justificatives du compte de campagne.
Les opérations éventuelles de remboursement des donateurs sont retracées dans le compte de campagne en complément de l’annexe identifiant les donateurs.
En pratique, on fait comment ?
D’abord, notez que c’est bien le mandataire qui est responsable, pas le candidat.
Ensuite, ce dernier doit s’assurer que :
- les fonds versés « sans délai » sur le compte de campagne
- les frais prélevés par la plateforme sont impérativement payés après le versement sur le compte de campagne, en aucun cas avant
- si une demande de remboursement est effectuée, le mandataire donne expressément son autorisation à la plateforme en amont du virement
Quid, pour les élections municipales, des communes de moins de 9 000 habitants ?
Ce point avait déjà été éclairci grâce à une question du sénateur PELLEVAT en 2020.
Dans sa réponse de février 2021, le ministère de l’Intérieur avait précisé :
Pour les élections municipales dans les communes de moins de 9 000 habitants, les candidats ou listes de candidats n’ont pas l’obligation de désigner un mandataire financier ou une association de financement électorale, ni de déposer un compte de campagne auprès de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Aussi, les articles L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral ne leur sont pas applicables.
Toutefois, dans le silence des textes, rien n’interdit à ces candidats d’avoir recours à un système de paiement en ligne ou à une plateforme de financement participatif pour le financement de leur campagne électorale.
Le recours à de tels instruments doit s’opérer dans le respect des autres dispositions du code électoral qui sont applicables aux élections municipales dans toutes les communes, notamment l’interdiction de financement de la campagne par une personne morale à l’exception d’un parti ou d’un groupement politique et la limitation des dons des personnes physiques à 4 600 euros par donateur lors des mêmes élections (article L. 52-8 du code électoral).
Attention à bien reporter les mentions légales relatives aux dons à des partis ou candidats sur vos différents supports !
Et oui, ce n’est pas si facile que cela !
Rédigez (et faites valider, par un juriste ou même directement la Commission des comptes) un « formulaire » de don que vous reporterez sur chaque support.
Il devrait :
- permettre au donateur de facilement confirmer son don, par exemple par le biais d’une formule type:
« Je soussigné Prénom-Nom souhaite soutenir la campagne de Prénom-Nom, candidat(e) aux élections [municipales, départementales, régionales, législatives etc.] dans la [ville, département, région ou circonscription de ….] et pour ce faire verse la somme de …. à son mandataire financier (prénom-nom du mandataire ou de l’AFE et de son président), déclaré conformément à l’article L. 52-6 du code électoral auprès du préfet de Département le (date) ». - ainsi que d’indiquer son statut juridique (personne physique) et sa nationalité ainsi que la provenance des fonds (forcément personnelle), ainsi que la mention du plafond de dons de 4 600 euros par élection
- rappeler l’article 52-8 du code électoral
Enfin, ce n’est pas obligatoire, mais il est toujours bon de rappeler que ces dons sont déductibles des impôts à hauteur de 66%.