« L’Art de la Guerre » : le livre de chevet des candidats en campagne !
Précis de stratégies militaires attribué à Sun Zu, il est traduit en français au XVIIIe siècle et sombre dans l’oubli jusqu’au mitan du XXe siècle. C’est le livre que je fais remonter en haut de ma pile de livres de chevet au moment où je commence à préparer un scrutin. Pourquoi ? Pour repartir vers la victoire sur de bonnes bases !
Plus sérieusement, une très grande partie des principes stratégiques militaires qui y sont décrits se transposent plutôt naturellement au contexte d’une élection. Le bon sens, l’objectivité et la rigueur de leur analyse constituent, face à une situation complexe de campagne électorale, de bons points de départ et autant de solutions à envisager.
Quelques exemples parmi ceux qui me semblent les plus précieux pour un candidat en campagne électorale.
Anticiper, analyser, évaluer
Le premier chapitre, traduit en français par « Estimations » ou « Evaluations », vise la nécessaire phase préparatoire avant le combat. Il recommande une évaluation à travers 5 facteurs :
- l’influence morale : critère particulièrement pertinent puisqu’il s’agit du soutien accordé par le peuple à ses dirigeants
- les conditions météorologiques : moins sensible que dans le cadre d’une opération militaire, la météo, le climat, n’est pas à négliger. J’ai le souvenir d’un candidat à des élections législatives, dont le scrutin se tenait en juin, qui avait fait ses photos de campagne en plein hiver et était le seul, sur les affiches électorales, à arborer fièrement sa doudoune !
- le terrain : là encore, moins facilement transposable, mais dans le cas d’élections sur de vastes circonscriptions (européennes, législatives, régionales), il est pertinent, lors de la phase de préparation de la campagne, de vérifier les distances et les temps de trajet entre les grandes villes de la circonscription dans lesquelles vous aurez à faire campagne. Votre analyse électorale vous aidera ensuite à faire des choix rationnels si les temps de trajet vous empêchent de tenir plusieurs engagements concomitants
- le commandement : au moment de former votre équipe de campagne et notamment d’en désigner les « cadres », veillez à ce qu’ils respectent (tout comme vous !) des qualités « de sagesse, d’équité, d’humanité, de courage et de sévérité« .
- la doctrine : Sun Zu vise ici les aspects logistiques de la campagne militaire, et il est crucial de les envisager également lors d’une campagne, ne serait-ce que pour s’assurer de respecter les plafonds légaux de remboursement.
L’on peut rappeler aussi, au sens plus contemporain du terme de doctrine, que bien connaitre les règles du code électoral (le cas échéant, celles du code général des collectivités territoriales) qui régissent le scrutin confère un avantage majeur au candidat.
Un autre chapitre est d’importance au stade de la préparation, celui consacré au « Terrain » (chapitre XI).
Il distingue 9 sortes de terrains :
- de dispersion : c’est-à-dire « à domicile », sur son propre terrain. Le maitre préconise de ne pas s’y battre et d’y mener ses troupes d' »un seul bloc fermement déterminé« .
- frontière : peu éloigné de ses terres
- clé : avantageux pour chaque équipe, c’est un terrain qui doit/va être disputé. Il recommande d’y arriver avant l’ennemi et d’en partir après lui.
- de communication : facilement accessible par chaque partie, où il faut « accorder une attention rigoureuse à [votre] système de défense« .
- « lorsqu’un Etat se trouve limité par 3 autres, son territoire est un terrain de convergence : l’objectif est de « se rendre maitre » de ce terrain pour remporter la bataille finale
- en terrain sérieux : « lorsque l’armée a pénétré loin en territoire ennemi », assez loin pour qu’il soit difficile d’en revenir. Si l’on comprend qu’il vaut mieux éviter ce type de terrain, Sun Zu recommande de veiller à la continuité de son approvisionnement si néanmoins on si trouve confronté
- sur un terrain difficile : sur lequel la progression est difficile, ralentie par la topographie (ou les aléas politiques)
- en terrain encerclé, avantageux d’un point de vue stratégique autant qu’il peut être dangereux puisqu’il vise les zones « en goulot », dans lesquelles une force restreinte peut y attaquer une force plus important
- enfin, en terrain mortel : celui duquel on ne survivre, dit-il, qu' »en luttant avec l’énergie du désespoir ».
Remplacez « terrain » par « bureau de vote » et les conseils prennent tout leur sens (politique !).
Faire campagne … avec Sun Zu !
« Lorsqu’il est uni, divisez-le »
Ah, le « diviser pour mieux régner », à l’origine de bien des « petites » listes déposées à la dernière minute pour faire trébucher un adversaire commun ! Ce qui vaut pour disperser les voix des électeurs vaut aussi pour miner une équipe de campagne : soyez vigilant quant à la vôtre !
« Là où il est fort, évitez-le »
De l’art de choisir ses thèmes de campagne : au moment de choisir les sujets que vous porterez pendant votre campagne, pensez à ceux que vos concurrents vont vraisemblablement mettre en exergue, et s’ils les maitrisent mieux que vous (ou plus prosaïquement, qu’ils « semblent » mieux les maitriser que vous), éloignez-les de votre liste de thèmes prioritaires.
A l’inverse, n’hésitez pas à faire remonter les sujets sur lesquels l’un ou l’autre de vos concurrents présentent des faiblesses en haut de votre liste !
Gagner l’élection avec Sun Zu
Je ne suis pas magicienne et Sun Zu n’était pas sorcier. S’il y avait une méthode infaillible pour gagner l’élection (ou une guerre dans son cas), elle serait connue depuis longtemps. Reste que le vénérable maitre considère 5 cas dans lesquels la victoire est acquise :
- Celui qui sait quand il faut combattre et quand il ne le faut pas sera victorieux
- Celui qui sait comment utiliser une armée importante et une armée restreinte sera victorieux
- Celui dont les troupes sont unies autour d’un objectif commun sera victorieux
- Celui qui est prudent et qui attend un ennemi qui ne l’est pas sera victorieux
- Celui qui a des généraux compétents et à l’abri de l’ingérence du souverain sera victorieux.
Je vous laisse les méditer, quelque chose me dit que vous saurez en apprécier toutes les possibilités d’inspiration 😉
NB : toutes les citations sont tirées de l’édition poche de chez Flammarion, coll. Champs Classiques, traduit par F. Wang, paru en 2017.